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dont l’entrée s’ouvre sur l’un des couloirs conduisant à la salle.

La présence du roi a causé dans les tribunes une impression mêlée de colère et de la méprisante aversion qu’inspirent surtout la ruse et l’hypocrisie jointes à la trahison ! L’on était d’autant plus irrité des incessants et noirs complots de Louis XVI, que son apparence était plus débonnaire ! Aussi, en voyant ce gros homme, d’un extérieur presque ridicule et d’une figure bonasse, l’on aurait eu peine à croire, sans tant de preuves accablantes pour lui, que, depuis 1789, il conspirait contre la révolution par tous les moyens dont il pouvait user ; qu’il encourageait les prêtres réfractaires à déchaîner la guerre civile, et sollicitait les rois étrangers à envahir la France.

« — Il n’a pourtant pas l’air d’un mauvais homme, ce gros Veto… C’est la royauté qui l’aura rendu méchant, » — dit-on à côté de moi. Réflexion parfaitement juste. Louis XVI, malgré la bénignité de son naturel, avait été conduit, poussé au crime, par les nécessités fatales de sa condition de roi. Marie-Antoinette excitait surtout chez les femmes une haine profonde. L’exécrable influence de l’Autrichienne sur son mari n’était un secret pour personne ; cependant, l’altière dignité de son maintien, son courage, imposaient : on la détestait, on ne la méprisait pas.

Le roi et sa famille reparurent bientôt dans la loge des logotachygraphes, séparée de la salle par un grillage de fer : Louis XVI placé à droite, la reine à gauche, le dauphin entre eux deux, et derrière les personnes de la suite royale. À peine le roi fut-il assis, qu’il reçut des mains du major d’Hervilly, qui venait de se munir de ces comestibles à la buvette de l’Assemblée, du pain, une assiette, où se voyait une volaille, une fourchette et un couteau. Louis XVI, plaçant son assiette sur ses genoux, commença de dépecer activement son poulet et de manger avec avidité… obéissant à ce formidable et incessant appétit particulier à la race des Bourbons. Louis XIV, entre autres, véritablement grand à cet endroit, était doué d’intestins et d’un estomac d’une capacité surhumaine. Rien, certes, de plus con-