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les degrés qui conduisent au fauteuil, adresse quelques paroles au président ; il joint les mains par un mouvement de surprise soudaine et extrême ; puis il se découvre et agite de nouveau sa sonnette avec force, pendant que les autres huissiers, allant de groupe en groupe, ou montant sur les bancs, répandent parmi les représentants une nouvelle qui semble produire une sensation extraordinaire. Le calme se rétablit peu à peu. Le président peut se faire entendre, et il dit d’une voix émue :

« — Messieurs, le roi et sa famille ont abandonné le château. Ils se rendent au sein de l’Assemblée nationale… »

Ces paroles causent une impression diverse dans la salle et dans les tribunes. — Puisque Veto se sauve des Tuileries avant qu’on ait tiré un coup de fusil, la bataille est finie !… Tant mieux… je n’ai plus rien à craindre pour mon homme et pour mon garçon, — disait à mes côtés une femme les yeux humides de larmes de joie. — Mon fils et mon mari auraient, comme les autres sectionnaires, fait bravement leur devoir civique… Mais j’aime mieux être certaine de les revoir sains et saufs !

— Ah ça, maintenant que les représentants ont l’individu royal à leur merci, — dit une autre femme, — pourvu qu’ils n’aillent pas barguigner à proclamer sa déchéance… S’ils l’avaient déchu l’an passé, au lieu de faire massacrer les pétitionnaires au champ de Mars… tout était dit ! On serait en république depuis longtemps, et l’on n’aurait qu’à se défendre contre les Vetos étrangers !

— Ne pas déclarer le roi déchu, — s’écrie un vieillard ; — ne pas le juger pour toutes ses trahisons ! Sarpejeu ! si l’Assemblée osait agir ainsi… c’est d’elle que le peuple proclamerait la déchéance ! ! ! Et ça ne serait pas long !

Les députés du côté droit, si l’on pouvait en juger d’après leur physionomie ou par quelques exclamations arrivées jusqu’à moi, semblaient partagés entre la crainte et l’espérance : les uns croyaient que le respect dû au malheur et à la majesté royale venant, fugi-