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attendent, pour agir, le signal de la loi, et la patrie sera sauvée ! »

L’effet de cette proclamation fut immense dans Paris : chacun sentait la patrie en danger… la discussion soulevée parmi les représentants du peuple avait dévoilé les complots des ennemis extérieurs et intérieurs de la révolution. Le plus dangereux de ces ennemis intérieurs était Louis XVI. L’Assemblée était persuadée de la trahison de l’individu royal… et cependant… coupable faiblesse… l’Assemblée ne le déclarait pas déchu du trône, ne le citait pas à sa barre… Le bon sens public s’alarmait, s’indignait de la déplorable timidité des représentants du peuple qui, néanmoins et selon la mesure de leur tempérament politique, donnaient des preuves de sincère patriotisme. Le secret de cette attitude ambiguë est tout entier dans cet aveu échappé à Brissot… au républicain Brissot, dans une discussion au sujet de la déchéance : — « Prenez garde ! le mot de royauté a une vertu magique… qui rassure la propriété. » — Mais le peuple, au risque d’effrayer la propriété, voulait la république, véritable gouvernement du peuple ; Prudhomme, dans son journal, exprimait ainsi l’état des esprits (No CLVII des Révolutions de Paris) :

« … L’Assemblée nationale l’a enfin prononcée cette formule terrible… ce signal de péril… cet appel au courage du peuple : La patrie est en danger ! Que signifient ces mots ? De leur interprétation dépend aujourd’hui le sort de la liberté française. Le danger est immense… Le directoire du département de Paris est le puissant instrument dont se sert la cour pour opprimer la liberté. La majorité des autres directoires des départements, tous les administrateurs, tous les tribunaux de justice, toutes les autorités constituées sont ouvertement ou secrètement complices de Louis XVI, de Marie-Antoinette, de La Fayette, de la cour de Berlin et de la cour de Vienne. Louis XVI accorde une protection éclatante aux fanatiques, aux artisans de la guerre civile. Cet ennemi, déguisé sous le titre de roi constitutionnel des Français, nous fait à lui seul plus de mal que ne pourraient nous en faire tous les despotes de