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parce qu’il apprécie le respect de soi-même chez ses ennemis, m’a rappelé avec quelle dignité sévère, un soir, Robespierre, à une séance des Jacobins, avait jeté fièrement à ses pieds le bonnet rouge dont on venait de le coiffer impérieusement.

Quant au second fait dénaturé par la presse royaliste, le voici. Il faisait dans la galerie une chaleur étouffante ; Louis XVI, d’une remarquable obésité, suait à grosses gouttes ; un garde national, muni d’une gourde, se versait à boire, et avisant le roi, il lui dit avec un accent de prévenance cordiale :

« — Sire, vous avez bien chaud, voulez-vous vous désaltérer ?

» Très-volontiers, » — répondit le roi avec empressement, et il but un verre de vin en témoignant d’une satisfaction évidente.

Tels sont les faits, tels sont les menaces, les outrages auxquels Louis XVI a été en butte de la part d’une populace forcenée selon les royalistes. Ces outrages, ces menaces se bornent aux sévères paroles adressées par le citoyen Legendre à l’individu royal. Reste le crime reproché au peuple d’avoir envahi le palais de son roi… C’est vrai. Le peuple a, ma foi, complètement méconnu, en cette occurrence, les us et coutumes monarchiques de l’antique cérémonial de la cour de France ! ! Non ! il n’a point, à l’avance, humblement adressé sa supplique à nos seigneurs les aides et maîtres des cérémonies ; non, le peuple n’a point révérencieusement adressé sa requête à ces laquais titrés, pour obtenir la grâce insigne d’une audience de Sa Majesté très-catholique ! Non ! le peuple, las d’être trompé, trahi, et prévoyant, sentant à quels périls la trahison livrait la chose publique et la patrie, le peuple a pris la liberté grande de s’en aller tout droit, et sans introducteur, chez son commis exécutif, qu’il gage ce semble assez grassement (quarante millions de liste civile ! ! ) pour avoir le droit de se rendre une fois dans le domicile du susnommé, à seule fin de lui dire, parlant à sa personne, afin qu’il n’en ignore :

« — Monsieur, vous conspirez incessamment avec nos ennemis ;