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était, par une feinte proposition de coup d’État, d’amener d’abord les feuillants à se joindre à la majorité de l’Assemblée, afin de demander la guerre, de donner ainsi dans ce sens une irrésistible impulsion à l’opinion générale, frappée de l’union des partis en cette circonstance solennelle.

La guerre devenait donc inévitable, et cela… lorsque nos places frontières, à peine approvisionnées, n’avaient que d’insuffisantes garnisons commandées par des royalistes ! Lorsque les gardes nationales des provinces n’étaient point encore armées ! Lorsqu’enfin nos troupes, désorganisées par l’émigration d’un grand nombre d’officiers appartenant à la noblesse, obéissaient encore à des chefs non moins contre-révolutionnaires que les émigrés. Or, Louis XVI voulait précisément la guerre en ces conditions si désastreuses, parce qu’elles présageaient le succès de l’attaque des rois coalisés, certains après une première victoire d’entrer triomphants à Paris en quelques jours de marche. La Fayette et son parti, malgré leur feuillantisme, n’auraient jamais trempé dans cette exécrable machination contre la patrie ; aussi, afin d’obtenir leur appui dans la question de la guerre, Louis XVI avait-il dû feindre de conspirer avec eux, au nom de la royauté constitutionnelle.

Tel était ce plan infernal dont les faits vont révéler la réalité. L’opinion publique, égarée malgré les sages avertissements de Robespierre, malgré les soupçons clairvoyants de Danton et de Billaud-Varenne, se prenait plus que jamais au leurre d’une guerre révolutionnaire… des peuples contre les rois… Les girondins et leurs amis la désiraient aussi, espérant lui imprimer cette direction ; là fut leur déplorable aberration. Louis XVI, en vertu de son pouvoir exécutif, choisissait les généraux ; la direction des premières opérations militaires, exigeant le secret, échappait forcément à la surveillance de l’Assemblée. L’issue de la prochaine campagne dépendait donc du roi et des généraux royalistes ; or, une défaite pouvait rendre cette campagne décisive en faveur de la coalition, dont Louis XVI était le