Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce comité entretenaient d’incessantes relations avec l’émigration et les souverains étrangers ; mais Louis XVI et la cour, par un calcul d’une duplicité, d’une noirceur profonde, apportaient la trahison dans la trahison et trahissaient… les traîtres leurs complices. Voici comment. Il devenait très-important de rattacher au parti de la guerre La Fayette, les constitutionnels de l’Assemblée, et au dehors d’elle, les nombreux adhérents du club des feuillants ; la cour avait donc secrètement proposé à la minorité de l’Assemblée de profiter de la force militaire que les préparatifs de guerre mettaient entre les mains du roi, pour frapper, par un coup d’État, la majorité des représentants du peuple et, au mépris de la loi, fermer les clubs, briser les presses des journaux patriotes, anéantir le parti républicain et assurer ainsi la paisible existence de la royauté constitutionnelle. Louis XVI tenterait au besoin de s’évader de Paris une seconde fois ; La Fayette le recevrait au milieu de ses troupes, et s’il le fallait, l’on marcherait sur Paris ou sur l’Assemblée. La trame fut ourdie. La Fayette en fut complice, rêvant toujours le rôle de maire du palais sous un roi fainéant. Enfin les feuillants de l’Assemblée, aussi complices du coup d’État projeté, se montrèrent, non moins que la majorité, partisans de la guerre.

Le tour était fait, La Fayette et les feuillants abusés et joués ; car Louis XVI ne voulait à aucun prix subir la honte d’une royauté constitutionnelle, qu’il regardait comme une véritable déchéance de l’autorité traditionnelle de sa race, jusqu’alors omnipotente ; c’était pour lui abdiquer que de se soumettre à une assemblée souveraine de représentants du tiers état, élus par l’universalité des citoyens. Enfin, il détestait particulièrement La Fayette, et sentait qu’après un coup d’État victorieux il serait à la merci du général et du parti des feuillants, sincèrement attachés d’ailleurs à la constitution de 1791, qui garantissait les premières conquêtes de la révolution. Or, l’unique et véritable dessein de Louis XVI (surabondamment prouvé par des pièces écrites ou signées de sa main, produites lors de son procès)