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» Voyez quel tissu de prévarications et de perfidies, de violence et de ruse ! voyez la sédition soudoyée ! voyez la conduite de la cour et du ministère… et c’est à ce ministère, c’est aux agents du pouvoir exécutif que vous confieriez la conduite de cette guerre ? Ainsi vous abandonneriez la sûreté du pays à ceux-là qui veulent vous perdre ?

» … De là résulte que ce que nous avons le plus à redouter, c’est la guerre… la guerre est le plus grand fléau qui puisse, dans les circonstances où nous sommes, menacer la liberté ! Car ce n’est point une guerre allumée par l’inimitié des peuples. C’est, je le répète, une guerre concertée avec les ennemis de notre révolution ! Quels sont leurs desseins probables ? quel usage veut-on faire de ces forces militaires, de ce surcroît de pouvoir que l’on vous demande sous prétexte de cette guerre ? L’on veut, en augmentant la puissance de la couronne, nous imposer une transaction ! si nous la refusons, on tentera de nous l’imposer par la force des armes que nous aurons mises aux mains des royalistes !…

» Quoi ! il y a des rebelles à punir ; les représentants de la nation les ont frappés d’un décret ! Et le roi propose son veto à ce décret ? Quoi ! au lieu de donner cours à la punition dont l’Assemblée a frappé les émigrés… le roi vient lui proposer une déclaration de guerre ? guerre simulée dont l’unique but est de mettre une formidable force militaire à la disposition des ennemis de la révolution !… ou de leur ouvrir nos frontières, grâce à la trahison des généraux aristocrates encore à la tête de nos armées ! Voilà les secrets desseins de l’intrigue ministérielle !… Voilà le nœud de cette intrigue qui nous perdra si nous tombons dans ce piège habilement coloré de patriotisme et d’ardeur guerrière, toujours si puissante sur l’esprit français ! »

La patriotique sagacité de Robespierre dévoilait ainsi le double projet de Louis XVI et du comité autrichien, foyer permanent de conspiration. La reine en était l’âme et les nombreux émissaires de