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En effet, l’Assemblée charge quelques-uns de ses membres de conduire au château les déléguées des Parisiennes. Durant le trajet de la salle des séances au château, cette députation est brutalement dispersée par une patrouille de gardes du corps lancée au galop. Enfin, la députation est introduite auprès de Louis XVI. Il accueille les femmes avec une apparente bonhomie, leur promet de veiller désormais à l’approvisionnement de Paris, mais garde le silence sur l’outrage fait aux couleurs nationales. La nuit s’approchait, et pendant que le roi écoutait les vœux des Parisiennes, ses projets de fuite à Metz venaient de se révéler : quatre voitures, attelées de six et de huit chevaux, chargées de malles, venaient d’être arrêtées par des citoyens de Versailles, au moment où elles sortaient de la cour des écuries ! Un officier des gardes du corps ayant grièvement blessé, d’un coup de sabre, un garde national parisien, l’un des camarades de ce dernier riposte par un coup de feu, et abat l’officier. L’agression des royalistes exaspère la foule, la mêlée s’engage ; mais bientôt elle cesse, grâce à la nuit complètement venue et à une pluie torrentielle. Pendant cette nuit pluvieuse, la multitude de femmes et d’hommes venue de Paris, augmentée de l’armée de La Fayette, cherche un abri dans les églises, ou bivouaque sur la place du château. Le jour vient. Quelques citoyens, apercevant un garde du corps à l’une des fenêtres du château, lui adressent des propos grossiers. C’était un tort, cependant explicable par l’irritation populaire contre ces officiers insulteurs de la cocarde nationale et coupables de la sanglante agression de la veille ; mais le garde du corps prend son fusil, ajuste un citoyen et le tue… C’était un crime… et, pour la seconde fois, ces prétoriens de Louis XVI engageaient la lutte. Les Parisiennes, les gardes nationaux, cèdent à leur légitime indignation, envahissent le château ; ses défenseurs disputent bravement le terrain pied à pied. Le sang coule. Des victimes tombent des deux côtés ; mais le nombre des assaillants augmente sans cesse. La victoire, pour eux, n’est plus douteuse ; ils vont, dans leur fureur, exterminer jusqu’au dernier de leurs enne-