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Telle fut, fils de Joël, la funeste journée du champ de Mars. Le vœu des pétitionnaires : — la déchéance de Louis XVI, et conséquemment la proclamation de la république, — était tellement sensé, logique, tellement dans la marche des événements, tellement dans la force des choses, en un mot, tellement inévitable, que l’année suivante Louis XVI fut déchu du trône, accusé de haute trahison, et la Convention nationale acclama la république. L’aveuglement du parti royaliste constitutionnel (sans parler de l’énormité de son attentat) eut donc pour résultat, en rétablissant l’individu royal dans la plénitude du pouvoir exécutif, de lui faciliter les moyens d’ourdir avec l’étranger de nouveaux complots contre la France, contre la révolution, de jeter le pays dans de nouvelles crises, jusqu’à ce qu’enfin le peuple, las et indigné de tant de noires trahisons, mit en un tour de main à bas la royauté, le 10 août 1792, et le vingt septembre de la même année (date immortelle ! !), fit par ses mandataires, envoyés à la Convention nationale, acclamer la république !

Le massacre du champ de Mars fut donc, au point de vue politique, une faute immense, et un crime au point de vue de la justice éternelle, car il portait atteinte aux droits des citoyens, frappait des innocents et rendait pour longtemps ennemis irréconciliables le peuple et la bourgeoisie.

Mais soyons équitables, fils de Joël, soyons reconnaissants, n’oublions jamais les impérissables services rendus par la bourgeoisie. Elle composait en majorité l’Assemblée constituante, et sa Déclaration des droits de l’homme a enfanté la révolution mère de la république ! Sans doute, la fin de la carrière de cette Assemblée a été en funeste désaccord avec ses admirables débuts ; sans doute, elle a, par égoïsme, reculé devant la gigantesque majesté de son œuvre… mais cette œuvre est celle du tiers état ; elle existe, ses fruits nous sont acquis : donc, ne rendons pas la bourgeoisie solidaire du mal que ses représentants ont fait dans leur détestable aveuglement ; rendons-la solidaire des grandes, des glorieuses choses qu’ils ont accomplies en 1789