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déjà précédée d’une avant-garde d’environ dix mille femmes, commandées par Maillard. Ma sœur Victoria se joignit à ces amazones ; je tiens d’elle que le récit suivant de leur expédition, donné par Camille Desmoulins, est d’une scrupuleuse exactitude. Jamais, peut-être, la verve, l’ironie acérée, la grâce, l’atticisme, la chaleur révolutionnaire de ce grand écrivain, si dévoué à la cause populaire, n’ont été mieux en relief que dans l’extrait de cet article (Révolutions de France et de Brabant).

« — … Chemin faisant, les femmes recrutent dans leur sexe des compagnes de voyage pour Versailles ; le quai de la Ferraille est couvert de racoleuses ; la robuste cuisinière, l’élégante modiste et l’humble couturière grossissent la phalange de ces guerrières ; la vieille dévote, qui allait à la messe, se voit enlevée pour la première fois de sa vie, et crie au rapt ! Les femmes avaient nommé entre elles une présidente et un état-major ; toutes celles que l’on empruntait à leurs maris ou à leurs parents étaient présentées d’abord à la présidente et à ses aides de camp, qui promettaient de veiller sur les mœurs et sur l’honneur des personnes qu’elles emmenaient, et cette promesse était religieusement observée.

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» … Répétons, à l’honneur de ce peuple que l’on calomnie, qu’en tout autre pays, l’Hôtel de Ville, envahi par les femmes et par le peuple, eût été dévasté, pillé ; or, je demande aux détracteurs des faubourgs et du septième étage, ce qu’ils peuvent répondre à ce fait. Deux cent mille livres en or avaient été soustraites pendant l’invasion par ces misérables, écume de la populace, qui se mêlent au peuple ; il a été fait justice des voleurs, et sauf six mille livres, que les pillards s’étaient déjà distribuées, la somme de cent quatre-vingt-quatorze mille livres a été rapportée à l’Hôtel de Ville. (Avis aux administrations des deniers publics…)

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» … Ah ! c’était un des plus grands tableaux qu’offre la révolu-