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— Certainement, et de graves raisons de diverses natures nous ont imposé… nous imposent un secret absolu à ce sujet… D’abord, selon que mon père le tenait de mon aïeul, la compagnie de Jésus, toujours si pénétrante, si bien informée, a pu vaguement soupçonner que M. Rennepont avait mis une somme importante à l’abri de la confiscation dont les révérends Pères ont eu le bénéfice.

— Grand Dieu, Samuel… ces prêtres sont, dit-on, si puissants, si habiles, ils ont tant de moyens d’action souterrains… s’ils soupçonnaient jamais ?… Ah ! je tremble à cette seule pensée.

— Rassure-toi, chère femme, le danger serait grand, mais je saurais le conjurer. Enfin, il était d’autant plus nécessaire à mon aïeul et à mon père surtout de garder un profond secret sur les trésors qu’ils possédaient, que les gouvernements de Louis XIV, du Régent et de Louis XV toujours besoigneux, toujours aux expédients, étaient peu scrupuleux sur les moyens de se créer des ressources ; nous autres Juifs avons toujours été à peu près hors du droit commun… Aussi, mon aïeul ou mon père, soupçonnés d’être détenteurs d’une somme de plusieurs millions, pouvaient être enlevés en vertu d’une lettre de cachet, plongés dans le cachot de quelque prison d’État jusqu’à ce qu’ils eussent racheté leur liberté, leur vie peut-être par l’abandon du trésor dont on les supposait possesseurs… Mais nous serions morts plutôt que de manquer à notre promesse…

— Ah ! Samuel, je frémis en songeant qu’en ces mauvais jours une telle iniquité était possible.

— Oui, mais grâce à Dieu, elle est impossible aujourd’hui… et d’ailleurs, prévoyant l’éventualité de ces exactions, nous avons toujours placé nos valeurs en lieu et en mains sûrs ; aussi, cette maison serait fouillée de fond en comble, que le trésor dont nous sommes dépositaires échapperait aux recherches, et…

Samuel, prêtant l’oreille du côté de la porte de la rue, s’interrompt et ajoute :

— Qui frappe là ?… ce n’est pas l’un des nôtres ?…