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— Illusion… peut-être, Samuel… illusion d’un généreux espoir !

— Ah ! ce n’est pas une illusion, Bethsabée… Ne faut-il pas que l’attraction de la vérité sait irrésistible… pour que, par exemple, l’héritier d’un prince souverain soit affilié aux Voyants ?…

— Le prince Frantz de Gerolstein ?

— Certes ! N’a-t-il pas été initié en Allemagne, berceau de cette société secrète… Le prince n’est-il pas l’un de ses plus ardents prosélytes ?

— Il a payé cher l’inébranlable fermeté de ses convictions… Son père, le prince régnant actuel, ne se montre-t-il pas pour son fils d’une rigueur extrême ?… ne l’a-t-il pas banni de sa présence ?… ne lui a-t-il pas refusé les moyens de soutenir dignement son rang à l’étranger, où il vit en proscrit ?… et sans notre ami Aron, de Francfort…

— … Le prince Frantz serait presque réduit à la détresse ; mais grâce à l’aide d’Aron, qui lui a offert ses services et lui a donné entre autres une traite de cinq mille louis payable à vue par moi, le prince peut braver les rigueurs de son père… Ah ! béni soit le jour où il m’a été donné de connaître ce noble jeune homme ! Jamais la sainte cause de l’humanité n’a eu de plus chaleureux, de plus éloquent apôtre ! de défenseur plus magnanime, plus désintéressé ! Cette puissante association dont il est l’énergique propagateur n’a-t-elle pas déclaré une guerre implacable aux privilèges de la naissance et de la richesse, à toute autorité royale ou religieuse ? Ces idées égalitaires, émancipatrices, le prince Frantz les soutient, les propage avec une invincible foi… lui, de race souveraine !… lui, destiné à régner un jour ! Ah ! je te le répète, Bethsabée, les temps sont proches !!! les temps sont proches !!! Ne sont-ce pas là des symptômes saisissants que de voir ces idées d’affranchissement propagées par des princes souverains… par des empereurs.

— Par des empereurs ?… Que veux-tu dire, Samuel ?…

— L’empereur Joseph II, le frère de la reine Marie-Antoinette, sans être, il est vrai, affilié aux Voyants, et sans accepter leurs prin-