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LE SABRE D’HONNEUR.

Vers le milieu du mois d’avril 1789, par une nuit que le rayonnement de la lune rendait assez claire, un homme, enveloppé d’une houppelande et coiffé d’un chapeau rabattu, semblait surveiller avec soin les abords d’une demeure située dans l’une des rues les plus solitaires de Paris, la rue Saint-François, au Marais. Un mur très-élevé, dont les années vermiculaient les pierres noirâtres, se prolongeant dans presque toute la longueur de la rue, servait de contre-fort à une terrasse plantée d’arbres centenaires. À travers leurs épais branchages apparaissaient le fronton de pierre, le toit aigu et les hautes cheminées de briques d’une maison bâtie dans le style du siècle de Louis XIV ; une muraille percée de quelques jours de souffrance grillagés, offrait une baie profonde et cintrée, encadrant une porte cochère en chêne massif, garnie d’énormes clous de fer ; elle ne paraissait pas avoir été ouverte depuis longtemps, si l’on en jugeait d’après l’épaisse couche de poussière et de toiles d’araignées dont elle était couverte. Une petite porte bâtarde, percée d’un guichet et non moins massive que la porte principale, s’ouvrait intérieurement sur un passage étroit et voûté. À gauche de ce passage était l’entrée d’un bâtiment de dépendance, dont les fenêtres donnaient sur un vaste jardin, au milieu duquel s’élevait la maison d’habitation. Ce jardin, dessiné dans le goût du dernier siècle et orné de vases et de statues de pierre, noircies ou mutilées par le temps, semblait complétement abandonné. Les herbes, les ronces envahissaient les allées. Les charmilles, jadis taillées symétriquement et formant des cabinets ou des portiques de verdure, avaient poussé en tous sens et n’offraient plus aux regards qu’un épais fourré. Au centre de ce jardin s’élevait la maison. L’on avait muré la porte et clos ses