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celle des protestants dans la représentation du tiers état. Les élections eurent lieu. Quelques députés de la noblesse furent des hommes populaires ; mais, en majorité, ils se montrèrent énergiquement résolus au maintien des privilèges de leur caste, et aussi hostiles au tiers état qu’à l’oligarchie des grandes familles de la cour, qui seules absorbaient les libéralités royales. Le clergé nomma des évêques défenseurs acharnés des privilèges de l’Église et quelques curés dévoués à la cause populaire au nom de la fraternité évangélique. Enfin, la représentation du tiers état fut en immense majorité composé d’hommes fermes, éclairés, animés de l’esprit du siècle, éminemment hostiles à la noblesse, à l’Église, à l’arbitraire royal et énergiquement décidés à imposer, s’il le fallait, à la monarchie, à l’aristocratie, au clergé, les réformes les plus radicales au nom de la souveraineté du peuple dont ils étaient les représentants.


Et maintenant, fils de Joël, bénissez, glorifiez la mémoire de nos obscurs aïeux ! souvenez-vous des luttes soutenues par eux, d’âge en âge, depuis la conquête des Gaules par Jules César et plus tard par les Franks ; souvenez-vous que, tour à tour esclaves, serfs, vassaux, ils ont combattu sans cesse au prix de leur sang, de leur vie, la domination d’une royauté ou d’une aristocratie nées de la conquête, s’arrêtant parfois épuisés par la bataille, mais ne reculant jamais. Ils ont ainsi, pas à pas, siècle à siècle, d’insurrections en insurrections, marché lentement, laborieusement à leur affranchissement, et ainsi dès longtemps marqué le but et préparé le triomphe de notre immortelle révolution de 1789-1793, qui nous délivre pour jamais, nous, fils des Gaulois conquis, de l’oppression des descendants des Franks conquérants. Dernièrement encore, Siéyès, dans sa fameuse brochure : Qu’est-ce que le Tiers État ? n’a-t-il pas résumé cette guerre de quinze siècles entre les deux races par ces paroles éloquentes :

« — Si les aristocrates entreprennent, au prix même de cette liberté