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sions du pape soumises à la sanction des conciles, et le temporel politique des États complètement indépendant du Saint-Siège. Le pape Innocent XI casse l’arrêt des évêques français, leur reproche avec indignation leur crainte servile devant leur roi, crainte qui doit les couvrir d’un opprobre éternel, et refuse d’accorder l’investiture aux nouveaux évêques gallicans. Cette rébellion du roi très-catholique contre Rome donna d’abord quelque espoir d’allégeance aux protestants, de plus en plus lésés, opprimés, malgré l’édit de Nantes octroyé par Henri IV, œuvre de sagesse et de réparation accordant aux réformés le libre exercice de leur culte ; mais ils reconnaissent bientôt que la lutte de Louis XIV et des évêques gallicans contre la papauté a pour mobile une jalouse rivalité, mêlée d’orgueil et de cupidité.

Le clergé, dès l’année 1660, entreprend d’imposer la révocation de l’édit de Nantes à Louis XIV, le menaçant de lui refuser les subsides que l’assemblée cléricale lui accordait sous le titre de don gratuit. Ainsi, en 1660, le président d’Aligre, intendant général des finances, expose humblement et révérencieusement à messeigneurs les évêques les besoins de son maître ; mais lesdits seigneurs refusent net de délier les cordons de leur bourse, sous prétexte que :

« L’assemblée du clergé n’estimait pas que l’on pût lui demander quelque chose de la part de Sa Majesté, car il avait été fait tant d’infractions aux privilèges de l’Église, et l’assemblée en était dans un si grand étonnement, qu’il la mettait dans l’impuissance de délibérer sur les propositions qui lui étaient faites de la part du roi, jusqu’à ce qu’il plût à Sa Majesté de réparer lesdites infractions. » (Registres de l’assemblée du clergé, 1660.)

Louis XIV, pressé par le besoin d’argent, aiguillonné par la peur du diable, s’incline devant l’arrogante volonté des prêtres ; certaines restrictions sont apportées à l’exercice des droits des protestants, malgré les formelles garanties de l’édit de Nantes ; en retour de quoi, et afin de l’encourager dans ses bonnes résolutions, messeigneurs octroient au grand roi un don de dix-huit cent mille livres.