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intolérables, contre lesquels la nation se soulevait tout entière par la voix de ses représentants… Ce fut là le plus grand des crimes de Louis XVI ; il dut en subir le châtiment légitime !

Louis XVI était d’autant plus coupable de se borner toujours à des velléités de réformes bientôt abandonnées, que, dès son avènement au trône, et plus tard dans le cours de son règne, il eut le bonheur de rencontrer des hommes aussi éclairés qu’intègres et désireux du bien public ; ainsi, ayant choisi pour premier ministre (choix d’ailleurs détestable) le comte de Maurepas, ce vieux courtisan, incapable, dans sa frivolité sénile, de diriger les affaires de l’État, s’adjoignit Malesherbes, homme d’une probité antique, esprit droit, cœur chaleureux, âme compatissante et élevée. Il voulait raffermir la royauté en l’engageant dans la voie des réformes réclamées par l’opinion publique. Il voulait donner à tous les accusés le droit d’être défendu ; aux protestants, la liberté de conscience ; aux écrivains, la liberté de la presse ; à tous les Français, la sécurité pour leurs biens et pour leurs personnes. Il proposa le rétablissement de l’édit de Nantes, l’abolition de la censure, des lettres de cachet et de la torture. Il appela près de lui Turgot, son ami, qui le valait par le cœur, et le primait peut-être par la hauteur de ses conceptions ; chargé du rétablissement des finances, il désira toutes les réformes qui, seules, pouvaient sauver la monarchie dont les peuples se désaffectionnaient chaque jour davantage ; profondément préoccupé du sort des classes déshéritées, il demandait à Louis XVI la suppression de la vassalité, l’unité provinciale, la contribution de la noblesse et du clergé au payement de l’impôt. (Ce que réclamait dès le quatorzième siècle Marcel, prévôt des marchands.) Ces réformes inévitables, que les États généraux imposèrent plus tard à la royauté, Malesherbes et Turgot voulaient en donner à Louis XVI l’honorable et féconde initiative ; pressentant avec la pénétration de véritables hommes d’État que ces réformes devaient s’opérer par la force des choses avec ou sans le concours de la monarchie, qui serait brisée