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vires de commerce, en possédait plus de dix-huit cents en 1739. Mais tandis que l’intelligence, l’initiative particulières, opéraient ces prodiges, l’incurie du gouvernement royal était telle que la marine militaire complètement ruinée eût, en temps de guerre, été impuissante à protéger cet immense développement de la navigation commerciale ; enfin, contraste saisissant, tandis que les villes, les ports de commerce témoignaient d’une incroyable prospérité, grâce à l’activité individuelle, une misère atroce décimait les campagnes. Les années 1739 et 1740 furent désastreuses pour les populations agricoles.

« — Les hommes mouraient dru comme mouches ; ou broutaient l’herbe des champs, — dit d’Argenson, dans ses Mémoires, — et durant ces deux dernières années la misère a fait plus de victimes que la guerre n’en a fait pendant le règne de Louis XIV. À la fin de 1740, la richesse publique avait diminué de plus d’un sixième. » — Un jour de septembre 1739, Louis XV, traversant le faubourg Saint-Victor pour se rendre à Choisy, théâtre habituel de ses orgies, fut accueilli par ces cris du peuple affamé : — Du pain !… Du pain ! … — La guerre vient se joindre, en 1740, à ces calamités. Elle éclate d’abord entre la Turquie et la Russie, alliée de l’Autriche. Puis la France, après avoir offert sa médiation aux parties belligérantes, se ligue avec l’Espagne, la Bavière et la Saxe contre Marie-Thérèse, héritière de la maison d’Autriche. Les Prussiens envahissent la Silésie, la haute Autriche, la Bohème. L’électeur de Bavière est élu empereur ; la déchéance de Marie-Thérèse est proclamée ; mais cette femme virile soulève les Hongrois, les Slaves du Danube et reprend possession d’une partie de ses États.

Le 29 janvier 1743, le cardinal de Fleury meurt, laissant la France compromise et engagée dans une guerre funeste aux véritables intérêts de sa politique. Louis XV supprime les fonctions de premier ministre, et déclare que désormais il gouvernera lui-même,