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tion de son médecin, il mourut le 2 décembre 1725, à l’âge de quarante-neuf ans, dans les bras d’une de ses maîtresses… digne couronnement d’une pareille vie…

À la mort du duc d’Orléans, la France subissait toujours cette honteuse alliance qui accordait à l’Angleterre une prédominance excessive et d’immenses avantages commerciaux. Le gouffre de la dette et du déficit se creusait de plus en plus, la licence des mœurs de la cour dépassait toute créance. Le duc de Bourbon, prince du sang, succéda au duc d’Orléans dans les fonctions de premier ministre ; il fit preuve d’une incapacité notoire, n’étant guère que l’instrument des haines, des caprices ou de l’avidité d’une jeune femme d’une profonde perversité, la marquise de Prie. Sa grâce, sa beauté, son esprit, exerçaient un souverain pouvoir sur le duc de Bourbon ; elle devenait ainsi la dispensatrice de toutes les faveurs : les courtisans rivalisaient de bassesses pour plaire à la favorite. La dépravation de la nouvelle cour égala, si elle ne les dépassa point, les débordements de la régence. Les roués affichèrent leurs galanteries avec un redoublement de cynisme ; à leur tête brillait le jeune duc de Richelieu, de qui l’éclatante renommée fut l’une des hontes de ce siècle-ci. Les finances furent confiées à un traitant, Pâris Duverney, tout dévoué à madame de Prie, homme d’aventure et de ressources empiriques ; il imagina de renouveler, mais en sens inverse, une partie des mesures financières adoptées par Law ; en moins de deux années (de 1725 à 1727), il fit, par des arrêts successifs, diminuer de près de moitié la valeur nominale des monnaies, et tarifa les salaires, les denrées, les marchandises, les loyers en raison proportionnelle de la dépréciation dont il frappait le numéraire. Les transactions commerciales s’arrêtèrent devant ces mesures arbitraires. Les artisans s’émurent, s’ameutèrent pour réclamer le maintien du taux de leur salaire. Ils furent massacrés dans les rues par les soldats. Les marchands se refusèrent d’abaisser le prix de leurs marchandises ; ils allèrent pourrir à la Bastille. La résistance gagne les