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mortel à l’usure et à la rapacité des traitants. Le succès de la banque de Law fut prodigieux. Elle escomptait le papier de commerce à un taux deux ou trois fois moindre que celui imposé par les traitants ; les actionnaires reçurent, pour six mois, un dividende de plus de six pour cent. Enhardi par ce premier succès, Law obtient bientôt du régent le monopole du commerce de la Louisiane et la propriété de cette colonie ; il convoque les capitalistes, les éblouit par le tableau des immenses bénéfices que doit réaliser la colonisation de la Louisiane. La compagnie se forme au capital de cent millions, divisés en deux cent mille actions de cinq cents livres à fournir en billets d’État. Law offrait ainsi un débouché inespéré au papier du trésor, dont les billets, jusqu’alors frappés de discrédit, se pouvaient à peine négocier. Mais croyant compléter son système, excellent jusque-là, Law eut la funeste pensée de conseiller la refonte des monnaies, afin que la valeur nominale du marc d’argent fût fictivement élevée de quarante à soixante livres. Les porteurs d’écus étaient, il est vrai, autorisés à joindre au numéraire qu’ils versaient à la fonte un cinquième en sus en billets d’État, et la totalité de la somme leur était remboursée en nouvelles espèces ; mais en vertu de la hausse factice de la valeur du marc d’argent, les détenteurs des billets d’État les donnaient gratuitement, et ceux qui ne joignaient pas de billets d’État à leurs espèces perdaient davantage encore. Cet arrêt de spoliation n’avait pas été enregistré au Parlement. Ce corps, après un demi-siècle d’oppression sous Louis XIV, sortait de son servilisme. Le 20 juin 1718, il refuse l’enregistrement de l’édit de refonte des monnaies. Le conseil de régence passe outre. Le parlement de Paris invite les parlements de province à imiter son exemple. L’esprit d’opposition se réveillait de plus en plus dans le public. Les retentissantes orgies du régent affichées par lui avec une incroyable impudeur, les scandales des bals masqués de l’Opéra où il assistait, révoltaient les honnêtes gens. L’on appelait le Palais-Royal, résidence de ce prince, la nouvelle Caprée. Les monstrueux débordements de la duchesse de