Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Béni soit Dieu… fils de Joël ! je l’ai vu ce beau jour prédit à notre aïeul Scanvoc’h le soldat, par Victoria la Grande il y a quinze siècles et plus, et attendu d’âge en âge par notre race… J’ai assisté au jugement solennel, au châtiment expiatoire de Louis Capet, le dernier de ces rois d’origine franque, étrangers à la Gaule… et à elle imposés par la violence et le massacre lors de la conquête de Clovis… Réjouissez-vous, mânes de mes ancêtres… martyrs de l’Église, de la noblesse et de la royauté ! ! Réjouissez-vous, soldats obscurs de ces luttes acharnées, soulevées d’âge en âge par les opprimés contre leurs oppresseurs séculaires… par les fils des Gaulois conquis contre les fils des Franks conquérants… Réjouissez-vous ! la vieille Gaule a recouvré cette fois, pour jamais, par sa sainte, trois fois sainte révolution, ses antiques libertés républicaines ; elle a brisé le joug des rois, le joug des prêtres de Rome… et j’écris ceci an ii de la république française une et indivisible.


Mon bisaïeul Salaün Lebrenn mourut à Amsterdam, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, le 20 décembre 1715. Son fils Alain (né en 1678) avait alors trente-quatre ans. Il exerçait à Amsterdam la profession d’imprimeur, profession lucrative entre toutes, en cela qu’une immense quantité de livres hostiles à l’Église, à la royauté, ne pouvaient s’imprimer qu’à Genève ou en Hollande, terres d’indépendance et de libre examen. Réalisant le modeste patrimoine dont il hérita de son père Salaün, en 1715, mon aïeul Alain quitta la Hollande, et vint au commencement de la régence se fixer en France. L’on y jouissait d’une extrême liberté relative, si l’on comparait cette époque au despotisme écrasant du siècle de Louis XIV. Mon grand-père, très-expert dans son métier d’imprimeur, entra comme premier artisan chez l’un des descendants du fameux Estienne, dans l’imprimerie duquel notre aïeul Christian avait si longtemps travaillé. Alain épousa la nièce de son patron ; de ce mariage naquit, en 1727,