Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est vous, citoyen Hubert, vous, homme de bon sens, qui parlez de la sorte ? — reprend Jean Lebrenn atterré. — Vous ai-je donc tenu le langage d’un pillard… d’un assassin ?

— Ah ! jamais plus noble langage n’a défendu la plus sainte des causes ! — s’écrie l’avocat cherchant du regard le regard de Jean Lebrenn qui détourne la vue. — C’est véritablement l’expression de la male-pensée du peuple qui…

— Le citoyen Lebrenn, puisque citoyen il y a, est une infiniment rare exception, — reprend M. Hubert interrompant son beau-frère ; — si tous les gens du peuple lui ressemblaient, l’on pourrait s’entendre ! mais l’immense majorité du populaire est guidée par ses appétits brutaux, par ses instincts féroces… Morbleu ! n’a-t il pas aujourd’hui massacré M. de Flesselles ?… n’a-t-on pas vu le pillage ?…

— Le pillage ! — s’écrie Jean Lebrenn avec une véhémente indignation, interrompant le financier. — Et où cela ? et quand cela, le pillage ? Le pillage !… Quoi ! aujourd’hui !… et ceci je l’ai vu… le peuple aujourd’hui s’empare de la voiture de voyage du prince de Lambesc, qui, à la tête de son régiment, a sabré avant-hier aux Tuileries des femmes, des vieillards !… Le peuple, dans son exaspération, veut livrer cette voiture aux flammes… mais avant, que fait-il, ce peuple pillard ? Il met à part les malles contenant de l’or, de l’argent, des objets précieux, et il envoie le tout sous bonne escorte au bureau de l’Hôtel de Ville (historique). Voilà un fait, citoyen Hubert… le nierez-vous ?…

— Un fait… soit… un fait…

— En voulez-vous d’autres ? Hier, le peuple fait irruption dans l’abbaye de Montmartre… un homme vole une poule dans le jardin du couvent… le voleur est pendu sur l’heure (historique)… Enfin, allez sur la place de l’Hôtel de Ville, vous y verrez un monceau de richesses sauvegardées par les prolétaires en haillons et armés d’une pique (historique).

— C’est vrai ! — dit vivement l’avocat Desmarais. — J’affirme le