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— Pardonnez à ma faiblesse, monsieur… elle est grande, je l’avoue… mais ce brusque anéantissement de mes plus chères espérances, d’abord presque réalisées… par votre promesse… m’a, j’en conviens, abattu… écrasé… Me voici plus calmé et prêt à vous entendre… Veuillez, du moins, m’apprendre pourquoi ces projets d’union, d’abord accueillis par vous avec tant de bienveillance… sont soudain devenus impossibles ?…

— Hélas !… parce que tout à la joie… tout au bonheur dont me comblaient vos propositions, mon pauvre ami… j’avais oublié comme vous… une circonstance funeste… odieuse… Et tout à coup son souvenir… s’est présenté à mon esprit…

— Quel souvenir, monsieur ?…

— Mon ami… un instant auparavant que ce désolant souvenir ne m’eût foudroyé, je prononçais ces mots… rappelez-vous-les, je vous en adjure : « Mon cher Jean, vous disais-je après avoir rendu un légitime hommage à vos qualités personnelles, — mon cher Jean, d’où pourraient donc naître mes objections à votre mariage avec ma fille… Votre famille… n’est-elle pas, comme la mienne… sans tache ? »

— Oui, monsieur… vous disiez cela… et en effet, ma famille est sans tache…

— Ah ! mon ami, vous aussi… vous oubliez ce que j’avais oublié…

— Qu’est-ce donc… monsieur, que j’oublie ?

— Une tache ineffaçable… qui ternira toujours l’honneur de votre famille… mon pauvre ami… mais je…

— L’honneur de ma famille… à jamais terni ! — s’écrie le jeune artisan avec autant de stupeur que de douloureuse indignation, — qui donc oserait soutenir en ma présence cette infâme calomnie ?…

— Plût au ciel… mon ami… que ce fût une calomnie !…

— Expliquez-vous… monsieur… — s’écrie Jean Lebrenn avec énergie, — expliquez-vous… j’ai le droit de l’exiger… Quelle est cette infâme calomnie ?