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gées, les maisons, les métairies écartées, les cabanes, les chaumières, tous les bâtiments tombèrent sous l’activité du feu, ainsi que tombent sous le tranchant de la charrue les fleurs champêtres, les mauvaises herbes et les racines sauvages ! »

Les évêques ne pouvaient manquer d’applaudir à cette monstruosité sans exemple, Fléchier écrivait au maréchal de Montrevel :

« — Le projet que vous exécutez est sévère et sera sans doute utile. Il coupe jusqu’à la racine du mal ; il détruit les asiles des séditieux et les resserre dans des limites où il sera plus aisé de les contenir et de les trouver. »

Ainsi quatre cent soixante-six villages ou hameaux furent détruits dans les Cévennes, par ordre du grand roi ; et leurs habitants, hommes, femmes, enfants, au nombre de près de vingt mille, désormais sans ressources, sans asile, furent réduits à chercher un refuge dans les bois et dans les cavernes, où la moitié de ces malheureux expirèrent de froid et de faim… Mais ces nouvelles monstruosités ne produisirent pas même l’effet que l’on en attendait. Et, ainsi que l’écrivait M. de Julien, l’un des exécuteurs de ces ravages, le nombre des insurgés s’accrut de tous ceux qui ne moururent pas de faim et de froid. Après avoir vu leurs demeures incendiées, les populations exaspérées se soulevèrent avec une furie croissante. La guerre prit un caractère d’acharnement terrible. Les troupes de Montrevel furent écharpées. Louis XIV le rappela et envoya de nouveaux renforts commandés par l’un des plus grands hommes de guerre de ce temps, le maréchal de Villars. Non moins habile et délié diplomate que capitaine, il conçut le projet de terminer la guerre religieuse sans combattre ; et, parfaitement renseigné sur le caractère de Jean Cavalier, il se promit de séduire le jeune chef cévenol, en ouvrant à son ambition militaire une éblouissante perspective. Jean Cavalier, malgré son génie guerrier, son dévouement à sa cause et de généreuses qualités, était malheureusement d’un orgueil excessif ; subissant le fatal vertige du pouvoir et du commandement, il se