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— Non, monsieur de Gerolstein, non… ni moi, ni mon fils, nous n’hésiterons plus à accepter vos offres de service, s’il nous faut recourir à elles, — répond le vieillard ; — car, vous l’avez dit : C’est nous assurer le temps de vaincre et ensuite de défendre, de maintenir, de féconder notre conquête !

— Jean, — dit soudain Victoria, — l’heure s’écoule et tu ne songes pas à te rendre chez M. Desmarais… Il peut d’un moment à l’autre repartir pour Versailles.

— C’est vrai… — répond le jeune homme en tressaillant ; — cette démarche est doublement importante.

— Mes amis, vous connaissez l’avocat Desmarais, député du tiers état aux États généraux ? — demande Frantz de Gerolstein ; — c’est un bon citoyen, franchement partisan de la révolution… Pourquoi faut-il que la majorité de la bourgeoisie, éclairée sur ses véritables intérêts, n’embrasse pas hardiment, loyalement, sans défiance, sans arrière-pensée, la cause populaire !… Tantôt, en traversant le quartier du Louvre, j’ai entendu des officiers de la nouvelle milice bourgeoise pérorer dans des groupes et blâmer violemment la prise de la Bastille, comme une déplorable atteinte portée au pouvoir légal !

— Tout nous fait croire… que M. Desmarais n’est pas du nombre de ces bourgeois défiants et trembleurs, — répond Jean Lebrenn ; — il a tout à l’heure chaleureusement glorifié les vainqueurs de la Bastille de leur victoire et de ses conséquences politiques ; aussi je ne crains pas d’entreprendre la démarche que je vais tenter… — dit Jean se dirigeant vers la porte ; puis, se retournant : — À revoir, je l’espère, mon cher Frantz… il me semble déjà que nous sommes de vieux amis.

— Frantz attendra ici le résultat de ta visite, mon frère… Je vais l’instruire de quelle importance peut être pour toi et pour notre cause le refus ou le consentement de M. Desmarais au sujet de la demande. — Et Victoria, au moment où son frère quitte la chambre,