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ront de rien… Nous n’en sommes pas moins reconnaissants de votre offre… et nous…

— Jean… permettez-moi de vous interrompre, — dit le prince ; — je sais par votre sœur combien vous êtes laborieux et habile artisan ; mais de grâce, répondez-moi… Depuis quatre jours… avez-vous pu vous rendre à votre atelier ?…

— Non… mais grâce à quelques économies dont ma mère est dépositaire…

— … Elle n’a manqué de rien jusqu’ici ?… Soit. Ces économies suffiront encore pendant quelque temps aux besoins de vos parents… mais ces économies auront une fin…

— Et mon travail… Frantz… le comptez-vous, pour rien ?…

— … Mon cher Jean… est-ce qu’en présence des grands événements prochains, menaçants, dont la prise de la Bastille est le signe précurseur… vous pouvez, vous devez compter sur la libre disposition de votre temps ?… Est-ce que la lutte, la bataille maintenant engagée entre la nation et le pouvoir royal, ne va pas continuer ardente… implacable ?… Nos ennemis resteront, je le sais, quelques jours terrifiés par la victoire d’aujourd’hui, aussi glorieuse que profondément politique… mais à cette stupeur, succédera un redoublement d’hostilité. Ils joueront, comme on dit, le tout pour le tout ! Est-ce donc au moment où sa destinée, son affranchissement sont en jeu et dépendent de ses derniers efforts, que le peuple doit abandonner la place publique, son champ de bataille ?… Et, cependant, il faut que le peuple vive ! ! et il ne peut vivre que par son labeur quotidien ! ! Ah ! ses ennemis espèrent encore l’enfermer dans ce cercle de fer : ou il lui faut renoncer au travail afin de conquérir ses libertés… et pour lui, la cessation de son travail, c’est l’impossibilité de vivre !… ou bien, poussé par ses besoins et par ceux de sa famille… il est forcé de déserter le champ de bataille… et bientôt il retombe forcément sous son joug séculaire…

— Ah ! souvent je l’ai dit, — s’écrie Victoria, — lisez l’histoire…