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tant d’excès, que le maréchal de Montrevel est obligé de disperser par les armes ces féroces alliés ; puis, désespérant de réduire les insurgés par la force, il demande à Louis XIV, et obtient de lui, l’autorisation de recourir à un moyen d’une barbarie jusqu’alors inconnue dans l’histoire, afin de frapper de terreur les populations et d’isoler les révoltés. Oui, le croiriez-vous, fils de Joël, le grand roi donna l’ordre au maréchal de Montrevrel de détruire par le feu ou par la mine plus de quatre cents villages protestants, peuplés de près de vingt mille habitants. Vous ne pouvez croire à une pareille horreur ?… Lisez cette lettre confidentielle de M. de Julien, lieutenant général, chargé pour sa part de raser trente et une paroisses d’où dépendaient plus de cent villages.

« Au pont de Montvert, 20 septembre 1706.

» J’ai reçu, madame, dans un moment bien vif, votre lettre du 17. Nous commençons demain à faire raser trente et une paroisses, dépendantes des Hautes-Cévennes, condamnées par le roi à être rendues désertes. M. de Montrevel a, dans son canton, treize paroisses à faire aussi raser. M. de Canillac en a trois avec deux cent vingt-cinq villages, voisins de l’Aygoal et de Lesperou. M. de Canillac commença hier parce qu’il avait reçu mille hommes de milice du Languedoc, lesquels ont les outils propres à renverser les maisons… Nous voici donc occupés pour longtemps, à moins que l’on ne se serve de la mine et du feu, ainsi que je l’ai proposé. Je souhaite que ce grand et étendu châtiment produise le fruit que l’on en attend, mais je n’en espère rien de bon, etc., etc…

» De Julien. »...............................

Le moyen expéditif proposé par M. de Julien fut employé ; on ne perdit pas de temps à démolir les maisons, on les fit sauter ou on les incendia. Un écrivain catholique, le Père L’Ouvreleuil, décrit ainsi poétiquement, dans son enthousiasme religieux, les effets du feu :

« — Aussitôt cette expédition fut comme une tempête qui ne laisse rien à ravager dans un champ fertile. Les moissons engran-