Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frère d’une créature qui a vécu jusqu’à l’âge de dix-huit ans… dans une maison de débauche… et qui plus tard a été renfermée aux Filles repenties… pour préméditation de meurtre hautement avouée ! !

— Mon Dieu !… mon Dieu ! malheureuse enfant ! — murmure madame Lebrenn, suffoquant et pleurant. — Est-ce donc ta faute… si, captive dans ce repaire… tu as… — Et s’interrompant, la pauvre femme ajoute avec une explosion de fureur maternelle : — Oh !… ces rois… ces rois ! !

— Patience, femme… patience ! — reprend d’une voix solennelle et prophétique le père aveugle. — Tout me le dit, bientôt va sonner, pour la royauté, l’heure de l’expiation, l’heure du châtiment ! ! Elle se proclame solidaire de ses aïeux, puisqu’elle règne parce qu’ils ont régné… Elle doit être solidaire des crimes sans nombre de sa race !

— Oui, oui, patience ! — ajoute Jean Lebrenn avec un courroux contenu. — Tu dis vrai, mon père… la royauté, solidaire du pouvoir de sa race… sera aussi solidaire de ses crimes au grand jour du jugement !

— Non, ce n’est pas ma faute, si l’attentat de Louis XV m’a plongée dès mon enfance dans un abîme d’opprobre éternel, — reprend Victoria, répondant à madame Lebrenn. — Non, ce n’est pas ma faute ! Mais M. Desmarais doit continuer, ainsi que sa fille, de me croire à jamais disparue ou morte… car Victoria ne vit plus au monde que pour toi, Jean… pour notre père et pour notre mère…

— Ah ! ma sœur… lorsque Charlotte sera ma femme, je ne lui cacherai rien, et son noble coeur…

— Mon frère, je t’en adjure, ne commets pas cette funeste imprudence… Plus mademoiselle Desmarais a de candeur, de vertus, d’élévation d’esprit… plus sa légitime répulsion à voir en moi une sœur deviendrait inexorable !

— Jean… l’observation de Victoria est juste…

— Mon père… je connais Charlotte et la générosité de ses sentiments…