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la porte, disant à son fils : — Viens… allons à sa rencontre. Où est-il ?…

— Un moment… bonne mère… tu le verras tout à l’heure…

— Je veux le voir à l’instant… Je suis forte, vaillante… ne crains rien… Où est-il ?… où est-il ?

— Tu le sauras… dans un instant…

— Pourquoi… ce retard ?…

— Parce qu’il me faut te préparer à une autre rencontre…

— Quelle autre rencontre ?…

— Un autre bonheur t’attend, car tu sais le proverbe… chère mère… « un bonheur ne vient jamais seul »… et je te vois assez vaillante… pour t’apprendre… une nouvelle inespérée…

— Laquelle ?… Je ne te comprends pas…

— Sais-tu, mère… — reprend Jean Lebrenn d’une voix émue et pénétrante, — sais-tu qui a brisé la porte du cachot de mon père ?… qui l’a délivré de ses fers ?… qui lui a donné les premiers soins ?…

— Non… mais après lui… après toi… le libérateur de ton père… sera ce que j’aimerai le mieux au monde ! !

— Ce libérateur est une femme…

— Une femme ?…

— …Intrépide !… héroïque ! Lors de l’attaque de la Bastille, bravant la fusillade, la mitraille, elle exaltait les assaillants entraînés par l’exemple de son audace, fascinés par l’éclat de sa beauté… Cette jeune femme, un drapeau à la main… l’une des premières, et sous une grêle de balles, a franchi le fragile pont volant jeté sur les fossés de la forteresse, et la première encore elle a songé à la délivrance des prisonniers… un moment oubliés dans l’ivresse du triomphe… Enfin, cette femme, je le répète… courant aux cachots à la tête de plusieurs des nôtres… a délivré mon père…

— Bénie soit cette jeune femme… je la chérirai comme une fille !

— Ah ! c’est le mot… bonne mère… si tu savais, si tu savais…

— Quoi ?…