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tune, la France perdit toutes ses conquêtes, fruits de la violence, du parjure et de l’iniquité. Forcé à d’immenses restitutions sans la moindre compensation, Louis XIV rendit aux coalisés la moitié de la Catalogne, la ville et le duché de Luxembourg, le comté de Clèves, les villes de Charleroi, Mons, Ath, Courtrai, avec leurs dépendances et celles de Namur. Il dut enfin ordonner de démolir toutes les fortifications élevées par ses ordres sur la rive droite du Rhin, et ne conserva que Strasbourg. Telles furent les honteuses et dures conditions imposées au glorieux monarque par la paix de Ryswyck, conclue le 30 octobre 1697. La France, ainsi humiliée, amoindrie à l’extérieur, offrait au dedans le plus déplorable tableau ; la misère atteignait à son comble ; les routes, devenues impraticables, par le manque des fonds nécessaires à leur entretien, rendaient les communications presque impossibles ; l’aggravation des impôts, les exactions des compagnies privilégiées avaient ruiné la marine marchande et les pêcheries en Normandie et à Dunkerque ; les pays frontières sont écrasés par les contributions ; en Flandre, les cultivateurs propriétaires n’ont touché, durant la guerre, qu’un tiers de leurs revenus ; d’autres seulement, le dixième ; la Picardie a perdu un quart de sa population ; à l’ouest, même misère, même souffrance, même dépeuplement qu’au nord et à l’est ; dans la généralité d’Alençon, les villes sont presque entièrement abandonnées ; la plupart des propriétaires demeurent exposés aux injures du temps, faute d’argent pour réparer leurs maisons ; dans la généralité de Rouen, sur sept cent mille habitants, il n’en est pas cinquante mille qui couchent ailleurs que sur une paille infecte ; le commerce de toile de Bretagne tombe sous l’énormité des droits dont sont frappées les marchandises importées par les Anglais, qui achetaient en Bretagne le double de ce qu’ils y vendaient ; les papeteries de l’Angoumois, la navigation fluviale, le commerce des vins sont aussi ruinés par l’énormité des taxes ; le centre de la France est non moins appauvri que les autres provinces ; la Touraine a perdu un tiers de ses labou-