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d’ailleurs ! N’a-t-on pas entendu ce scélérat d’abbé Sieyès s’écrier à l’Assemblée nationale : — « Que depuis quatorze siècles, le tiers-état et le peuple représentant la race gauloise étaient opprimés par nous, descendants de la race franque conquérante… et que, si nous osions revendiquer nos privilèges au nom du droit de conquête… il fallait nous renvoyer dans les forêts de la Germanie… d’où nous étions jadis sortis pour conquérir la Gaule… »

— Ce sont là… comte, des généralités historiques… Mais est-il possible que la tradition écrite dont vous parlez se soit transmise de siècle en siècle dans une famille serve ?

— Cela est tellement vrai, quoique peu vraisemblable, chère marquise, que de cette famille nous savons le nom.

— Et ce nom ?

— À quoi bon ?…

— Qu’importe… dites… Ceci, comte, me semble non-seulement curieux, mais, important dans les circonstances où nous sommes…

— Quelle importance ?…

— Je vous en instruirai plus tard… Mais achevez…

— Eh bien ! marquise, cette famille vassale a nom Lebrenn

— Et qu’est-elle devenue ?… A-t-elle laissé quelques descendants ? Est-elle vivante ? est-elle éteinte, cette famille ?

— Ma foi, marquise, je l’ignore… Comment savoir si de pareilles espèces existent ou n’existent point ?

— Oh ! fils des Neroweg… je te prouverai bien moi… qu’il existe encore une fille de Joël-le-Gaulois, — pensait Victoria, tandis que M. de Plouernel continuait avec une recrudescence de passion :

— Mais oublions ces misères, Victoria… Laissez-moi vous dire… vous répéter… combien je vous aime… Je ne croyais pas, voyez-vous, à l’accroissement de cet amour… et cependant chaque jour, chaque heure, chaque minute… me semblent augmenter ma folle, passion pour vous ! !… Je vous aime aujourd’hui, Victoria, plus que je ne vous aimais hier ; et demain, je vous aimerai plus encore