le cardinal. — Et à propos de quoi… ces coups de bâton, cher comte, si tant est qu’il faille une raison pour faire bâtonner un bourgeois ?
le comte de plouernel. — Mes gens d’affaires soutenaient par-devant la Tournelle un procès au sujet d’une succession dévolue à mon frère cadet, l’abbé de Plouernel, actuellement à Rome ; ce coquin de Desmarais, oubliant le respect dû à un homme de ma qualité, eut l’insolence de parler de moi en termes peu révérencieux ; instruit du fait par mes procureurs, je fis un soir happer par trois de mes gens le Desmarais au sortir de son logis, et il reçut une verte bastonnade, après quoi, mon premier laquais, l’un des exécutants de la chose, dit au Desmarais qui se frottait l’échine et soufflait d’ahan : — « Monsieur l’avocat, les coups de bâton que nous venons d’avoir l’honneur de vous administrer… sont (afin que vous n’en ignoriez)… sont de la part de monseigneur le comte de Plouernel, notre maître… » — Et voilà comment et pourquoi ce coquin de Desmarais est devenu l’un des meneurs du parti populaire !
le vicomte de mirabeau. — Sauf la différence de renommée des deux bâtonnés… c’est l’équivalent de l’histoire de la plantureuse bastonnade jadis appliquée à mons Arouet de Voltaire, par les ordres du prince de Rohan… et voilà comment, et voilà pourquoi mons Arouet est devenu l’un des plus diaboliques ennemis de la monarchie et de la religion…
le duc. — De vrai… l’on n’a point d’idée des effets surprenants que peuvent produire les coups de bâton sur l’échine d’un bourgeois… Qui sait ? Voltaire a peut-être dû son exécrable gloire à la correction qu’il a reçue…
l’abbé morlet. — Madame la marquise a énoncé tout à l’heure une grande vérité : l’Église, la noblesse et la royauté n’ont pas de plus incurable ennemi que la bourgeoisie… surtout depuis que le tiers état a pris une détestable importance par ses lumières, son industrie, ses richesses… Aussi le grand roi, obéissant aux conseils