l’intendant. — Non, monseigneur.
le comte de plouernel. — Renvoie nos gens aux informations ; tu viendras me rendre compte de ce qu’ils auront observé.
(L’intendant sort. Quelques-uns des convives de M. de Plouernel semblent consternés des nouvelles qu’ils viennent d’apprendre.)
le cardinal. — Voilà de furieuses et abominables canailles, non moins dignes de la hart et du bûcher que les plus forcenés hérétiques… Savez-vous, messieurs, que tout ceci devient fort effrayant ?
le duc. — M’est avis que la France ne sera bientôt plus habitable… il nous faudra tirer au large et gagner les pays étrangers.
le comte de plouernel. — Allons donc, cher duc, dix bons régiments d’infanterie, soutenus d’une douzaine de pièces d’artillerie, suffiront à exterminer cette populace aussi couarde que féroce !
l’abbé morlet. — Féroce ! oui… couarde ! non… Laissez-la tirer le premier coup de canon et laissez-lui couper la première tête… vous verrez cette canaille, ivre de poudre et de sang, devenir intrépide… et avoir raison des meilleurs soldats.
le vicomte de mirabeau. — Des va-nu-pieds en guenilles, mal armés, sans discipline, triompher de troupes aguerries… Ce jour-là, je briserai mon épée !
victoria. — Cette vaillante épée, un roi félon la brisera, monsieur le vicomte ; on vous ordonnera de la remettre au fourreau… ainsi qu’il a été ordonné à M. de Plouernel. Peut-être est-il maintenant trop tard, grâce à la trahison de Louis XVI, pour terrifier cette populace aujourd’hui déchaînée, rendue audacieuse par une trop longue impunité… Avais-je donc tort de voir dans ce prince le pire, le plus condamnable et damnable des révolutionnaires…
le vicomte de mirabeau. — Non, non ! cent fois non ! marquise… et il faut au besoin avoir le courage de sacrifier un roi au salut de la monarchie.
victoria. — Vicomte, vous parlez en gentilhomme et en politique.
le duc. — Morbleu ! messieurs, la chose est grave, sacrifier le roi…