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le comte d’Artois, et de LL. AA. SS. nos seigneurs les princes de Conti et de Condé !!!

le comte de plouernel. — Et quels sont les prétextes de ces cris insolents et de ces préparatifs de rébellion armée ?

l’intendant. — Monseigneur, on dit dans ce mauvais peuple que notre honorée cour veut du mal à ces coquins de députés du tiers, et que Sa Majesté notre bon roi (que Dieu garde !) s’apprête à marcher en personne sur Paris, à la tête de cinquante mille hommes, pour mettre les faubourgs à feu, à sang et à sac !

le vicomte de mirabeau. — Cette canaille a du moins conscience du châtiment qu’elle mérite…

le comte de plouernel, à l’intendant. — Et dans les autres quartiers, quel est l’état des esprits ?

l’intendant. — Du côté de la porte Saint-Honoré, la canaille a envahi le Garde-Meuble pour s’y emparer des vieilles armes rassemblées là en collection. C’est une pitié, monseigneur ! on voit des brigands en haillons, pieds nus, casque en tête, cuirasse au dos et la lance au poing.

le marquis, riant. — Que voilà donc de galants chevaliers… hi, hi, hi… armés de pied en cap pour le tournoi ! et portant les couleurs de leur mie… Goton ou Margoton… ah, ah, ah !

l’intendant. — Ce mauvais peuple attache à son bonnet, quand il en a, des cocardes d’étoffe ou de papier vert ! Ils disent que c’est le signe de l’espérance… Enfin, monseigneur, c’est comme un délire, vient de me dire Comtois, l’un de nos gens ; on voit en pleine rue des scélérats s’embrasser sans se connaître et, les larmes aux yeux, crier comme des orfraies : — « Aux armes ! citoyens ! à bas la tyrannie ! vive la liberté ! vive la nation ! » Les femmes, les enfants s’en mêlent aussi ; enfin, l’on croirait Paris peuplé d’échappés de Charenton.

le comte de plouernel. — Et les autres faubourgs sont-ils aussi agités que ce maudit faubourg Saint-Antoine ?