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gens raisonnables… Ceci s’adresse à vous, messieurs. Or, le pouvoir royal, par une impardonnable complicité, ayant toléré l’existence de cette assemblée de factieux, le haut et bas clergé devait accepter le fait accompli, à seule fin d’en tirer le meilleur parti possible, et pour ce… s’adjoindre au tiers état, feindre, s’il le fallait, d’entrer dans ses vues révolutionnaires ; au besoin même les exagérer, dans le but de pousser les factieux aux plus violentes extrémités, où tôt ou tard ils trouveront leur perte !

victoria. — Monsieur l’abbé est un habile et profond politique…

le cardinal, outré. — Et moi, madame la marquise, au risque de vous contredire, je déclare que l’abbé montre une fois de plus le pernicieux et machiavélique esprit de la compagnie de Jésus, à laquelle il a le malheur d’appartenir, et qui a toujours été pour l’Église une véritable peste…

victoria, à part. — Ce prêtre est un jésuite… j’aurais dû le deviner…

l’abbé morlet. — La véritable peste de l’Église… n’en déplaise à la robe rouge de monsieur le cardinal a toujours été la peste pourprée…


le cardinal, furieux. — A-t-on l’idée de l’impudence de cet effronté prestolet !

victoria, vivement. — Par le sang du Christ ! est-ce donc l’heure des discordes et des récriminations ? Votre Éminence oublie-t-elle… oubliez-vous, monsieur l’abbé, qu’en ce moment terrible, le salut de l’Église et du trône dépend de l’union de ses défenseurs ?

tousles convives, moins le cardinal et l’abbé. — C’est vrai… c’est évident !

victoria. — En jetant avec vous ce rapide regard sur le passé, mon intention est-elle donc de susciter entre vous des défiances, de soulever des divisions ? Est-ce que je n’espère pas, au contraire, en vous signalant les fautes commises, sauvegarder l’avenir de pareilles erreurs, et vous engager à suivre de concert une voie meilleure ?…