Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur commande de se dissoudre, ils ne tiendront compte de cette défense. Dites, messieurs, est-ce assez d’audace de la part du tiers état ? est-ce assez de lâcheté de la part du pouvoir royal ? 


le vicomte de mirabeau. — C’est vrai ! il en est ainsi… Oui, cela s’est passé sous nos yeux, et cependant c’est à n’y pas croire… et le roi avait à Versailles vingt-cinq mille hommes de troupes…

victoria. — Tel est donc le second crime du roi : il pouvait encore étouffer, écraser dans son germe cette rébellion naissante, dissiper par la force cette poignée de factieux… qu’il avait eu la coupable faiblesse de convoquer !

le duc. — Eh ! madame, n’en a-t-il pas été ainsi ?

victoria. — Comment cela, de grâce, monsieur ?

le duc. — N’avons-nous pas, nous autres du parti de la cour, obtenu grâce aux opiniâtres instances de la reine et de M. le comte d’Artois, que le lieu des séances de l’Assemblée fût occupé par la troupe ?… Est-ce que le 19 juin au matin, ces soi-disant représentants du peuple n’ont pas trouvé les abords de leur local occupés par deux compagnies de grenadiers, qui ont militairement invité ces bourgeois à passer au large ?

le marquis, riant. — De sorte que ces croquants se sont cassé le nez à la porte… hi, hi, hi…

victoria, amèrement. — Oh ! certes… ce roi, par ses rares velléités de résistance, toujours suivies de peureuses reculades, ce roi a eu l’art de commettre à la fois en cette occasion un attentat contre l’Assemblée nationale, au point de vue des révolutionnaires, en faisant envahir le lieu de leurs séances par la troupe… et un nouvel attentat contre la royauté en souffrant que ces factieux, chassés de leur repaire, allassent, sur la motion de Bailly, leur président, se réunir sans obstacle au Jeu de Paume de Versailles ; là ils se liguent par un serment redoutable. Dès ce jour, la guerre est ouvertement déclarée entre les communes rebelles et le trône.

le vicomte de mirabeau. — Tout ceci est malheureusement de la