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tous les convives. — Oui, oui… son nom… le nom de ce révolutionnaire ?

victoria, d’une voix vibrante. — Le roi Louis XVI ! 
 À ces mots un silence de stupeur règne parmi les convives interdits. Quelques-uns échangent des regards effarés ; d’autres, pensifs, cherchent le mot de cette apparente énigme ; d’autres enfin contemplent Victoria avec une curiosité inquiète.

l’abbé morlet, à part soi. — J’ai compris la pensée de cette femme… cette pensée est d’une justesse et surtout d’une profondeur effrayantes… Une entière conviction peut seule donner cette lucidité de vue… Il est presque impossible de douter de la sincérité de la marquise… Ah ! pourquoi faut-il que son masque de marbre me soit impénétrable ? 


le comte de plouernel, avec effort. — J’ai peine à croire à ce que j’entends, marquise… Comment, selon vous, le roi… serait…

victoria. — Comte, pour quel motif avez-vous aujourd’hui donné votre démission de colonel aux gardes-françaises ?

le comte de plouernel. — Ainsi que je vous l’ai écrit tantôt, marquise, j’ai résigné le commandement de mon régiment parce que le roi se refusait à autoriser complètement des rigueurs qui seules pouvaient rétablir la discipline parmi mes soldats et les empêcher de devenir les plus dangereux auxiliaires de la révolution.


victoria, d’un ton sardonique. — Et vous vous étonnez que je vous dise tout haut le nom du royal complice des révolutionnaires !

le vicomte de mirabeau, avec exaltation. — Notre surprise est de celles que les révélations du génie inspirent… Oui, vous êtes une femme d’un audacieux génie, madame ! Vous signalez avec une inexorable justesse l’une des causes les plus funestes de la révolution... Honneur à vous, madame !

victoria. — Je ne mérite pas ces éloges, vicomte, je suis simplement une femme que Dieu a douée de quelque bon sens… patricienne de race et catholique de foi…