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parlé avec tant d’élan, tant d’apparente conviction que, malgré mes préventions, je suis tenté de croire à sa sincérité… Qui sait ?… Néanmoins, observons-la… et tâchons de pénétrer sa pensée vraie… à travers ses paroles peut-être menteuses.

victoria examine sans qu’il y paraisse le jésuite et se dit : — Ce prêtre au masque cadavéreux attache constamment sur moi son regard de reptile… Il est, je crois, le seul ici qui soit en défiance à mon égard… redoublons de prudence et d’audace…

un cardinal, à part. — Je ne puis me rappeler où j’ai vu… sinon cette belle marquise, du moins quelqu’un qui lui ressemblait d’une manière remarquable… Il y a longtemps de cela… En vain j’interroge ma mémoire… Ah ! je me souviens !!… C’était dans la petite maison que tenait près de Versailles cette coquine de Dubois… Oui, plus je regarde la marquise… plus il me semble la reconnaître ! Allons… je suis fou ! Et cependant quelque seigneur italien, ignorant les antécédents de l’ancienne pensionnaire de la Dubois, a fort bien pu… Eh… eh… s’il en était ainsi… je pourrais fort bien dire à la belle : je possède votre secret… ne soyez point cruelle… ou sinon, mais, diable… si je me trompais… si j’étais abusé par une ressemblance extraordinaire, mais après tout possible ! Cette marquise, à en juger par son apparence, doit être fière et vindicative à l’excès… elle serait capable, pour se venger de mes soupçons outrageants, de me faire administrer à l’italienne quelque bon coup de stylet… Agissons donc avec prudence !

(Pendant ces secrètes réflexions de Victoria, du jésuite et du cardinal, un entretien général s’est engagé parmi les convives.)

le vicomte de mirabeau. — Madame la marquise a été l’interprète de nos vœux les plus ardents en pronostiquant le prochain anéantissement des révolutionnaires de toute condition… Ces dernières paroles sont d’un grand sens… car enfin, qu’un bourgeois, qu’un manant, soient révolutionnaires…

un duc. — … Ils n’en sont pas moins pendables… mais l’on s’ex-