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Lovelace, un roué, mon pauvre comte… et vous prétendez jouer… qui pis est… vous jouez un rôle politique dans le parti de la cour !

— Monsieur l’abbé Morlet, la familiarité a ses bornes… ne m’obligez point de vous le rappeler trop durement ! — s’écrie M. de Plouernel cédant à un premier mouvement de colère ; puis se contenant, il reprend d’un ton sardonique : — Il vous sied parbleu bien, mon révérend, de me persifler à l’endroit de l’empire que les femmes exercent sur moi… vous sur qui a despotiquement régné, m’a-t-on dit, cette fine mouche et plantureuse commère, loueuse de chaises à l’église Saint-Médard et veuve du bonhomme Rodin, donneux d’eau bénite de la même paroisse… Et à ce propos, mon révérend… comment se porte votre fillot ?… ce petit Rodin que vous m’avez glorieusement présenté l’an passé ? Tudieu ! il semblait futé comme un renardeau, ce garçonnet !… L’intérêt que je témoigne à ce bambin doit faire délicieusement tressaillir vos entrailles de père… ou plutôt de parrain ? afin de parler plus révérencieusement et ne point effaroucher votre chasteté… saint homme !

La pâle figure du jésuite reste impassible, malgré les sarcasmes de M. de Plouernel, et il reprend :

— Vos railleries sont, je l’avoue, du dernier plaisant… elles viennent surtout fort à point… en ceci qu’elles me fourniront l’occasion de vous donner, comte, une excellente et, je l’espère, profitable leçon…

— Je vous écoute… mon révérend… Voyons la leçon.

— Votre amour écervelé pour de belles dames irrésistibles… peut et doit vous conduire aux folies les plus funestes, tandis que moi, par suite de mon amour (puisque, selon vous, mon amour il y a)… tandis que par suite de mon amour, dis-je… pour ma commère Rodin, je serai, je l’espère, à même de prévenir et… mieux… de réparer vos folies.

— C’est fort curieux, l’abbé, poursuivez…

— Il y a environ quatre mois, vers le commencement d’avril, à