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sa vie en offrant à Dieu la conversion de ses sujets hérétiques. Louvois seconde la Maintenon dans cette sanglante croisade contre les réformés. Ce Louvois, capable de toutes les noirceurs, de toutes les férocités pour conserver la faveur du maître et de sa vieille maîtresse, imagine les Dragonnades, expéditions militaires destinées à forcer les protestants d’abjurer, en les exposant aux violences des gens de guerre logés chez les hérétiques.

« Le roi, — écrivait Louvois, — n’estime pas qu’il faille loger tous les cavaliers chez les protestants ; mais si, selon une juste répartition, ils devaient en loger dix, vous pouvez leur en donner vingt et les mettre chez les plus riches huguenots. »

D’horribles excès sont commis par une soldatesque effrénée, certaine de l’impunité ; les protestants, traités ainsi que l’est l’ennemi en pays conquis, sont frappés de terreur ; les uns abjurent afin d’échapper à tant de maux ; d’autres rassemblent leurs ressources et s’apprêtent à fuir de France. L’archevêque de Paris, et le Père Lachaise, confesseur du roi, excitent son fanatisme, de son côté, la Maintenon écrit à son frère, le 24 août 1681 :

« Le roi pense sérieusement à son salut et à celui de ses sujets ; si Dieu nous le conserve, il n’y aura bientôt plus qu’une religion dans son royaume… Préparez-vous à acheter une terre en Poitou ; elles vont s’y donner pour rien, par la fuite des huguenots. »

La vieille courtisane n’oubliait point, on le voit, sa famille et engageait son digne frère à s’enrichir des dépouilles de ces malheureux qui, abandonnant leur patrimoine, émigraient en masse ; or, ainsi que vous l’avez toujours vu, fils de Joël, depuis l’avènement de la réforme religieuse, l’immense majorité des citoyens riches et éclairés, des commerçants, des artisans d’élite avaient embrassé le protestantisme ; les puissances voisines de la France, comprenant de quel intérêt était pour elles d’attirer dans leurs États ces émigrants industrieux, leur ouvrent leurs frontières, leur offrent de grands avantages, en leur assurant le libre exercice de leur culte. L’An-