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rapportaient de la Chine, des Indes et de l’Orient les étoffes, les porcelaines, les meubles les plus précieux : vases du Japon, cabinets et paravents de laque rouge ou noire de Coromandel, tapis de Smyrne, glaces de Venise ; toutes ces raretés se trouvaient en profusion chez M. de Tilly, qui jouissait d’une fortune considérable. Madame du Tremblay, encore souffrante des fatigues de sa rude traversée, était à demi étendue sur une chaise longue placée près d’une porte vitrée ouvrant sur un balcon, mis à l’abri des rayons du soleil et des regards des passants par une sorte de velarium rayé de rouge et de blanc ; mademoiselle de Plouernel était assise non loin de sa tante, qui continuait ainsi un entretien commencé :

— Et maintenant, avouez, ma chère, que le sort de mademoiselle de Kéroualle a été digne d’envie, car le roi… — Mais s’apercevant que sa nièce ne l’écoutait point, le marquise reprit :

— Berthe, votre distraction est singulière… À quoi songez-vous donc ?

— À mon frère Raoul… Puisse sa maladie ne pas empirer durant le retard qu’éprouve malheureusement notre voyage à Londres ! — répondit mademoiselle de Plouernel d’un ton pénétré.

Puis, après un moment de silence :

— Et cependant, voilà qui me semble inexplicable : M. de Noirmont a quitté Londres deux ou trois jours après la date de la lettre qui vous apprenait la nouvelle de la maladie subite de mon frère, et M. de Noirmont nous affirmait encore dernièrement à Versailles, qu’au moment de son départ d’Angleterre il avait laissé Raoul en parfaite santé ?

— M. de Noirmont aura voulu nous dissimuler la vérité, — reprit la marquise avec quelque embarras, — l’on craint toujours de se faire le messager d’une fâcheuse nouvelle.

— Rien pourtant ne semblait plus sincère que l’extrême surprise dont a été frappé M. de Noirmont en apprenant, de nous, la maladie de mon frère, et…