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régiment des gardes a été outrageusement mis en déroute par le populaire, lequel exige la mise en liberté de Broussel et des parlementaires, mesure que le maréchal regarde comme seule capable d’apaiser l’exaspération des esprits. « — Rendre la liberté à Broussel, — s’écrie Anne d’Autriche avec rage, — je l’étranglerais plutôt de mes propres mains[1] ! »

Les membres du Parlement restent à la Bastille ; mais le lendemain de leur arrestation (27 août 1648), plus de cent mille hommes, artisans et bourgeois, sont en armes ; toutes les rues sont barricadées, Paris entier s’insurge. Les membres du Parlement, revêtus de leurs robes rouges, s’en vont en corps et processionnellement à travers la cité, demander à la reine la liberté des prisonniers ; Anne d’Autriche et Mazarin, épouvantés des progrès de l’insurrection, donnent l’ordre de relâcher les captifs et quittent Paris en toute hâte. Le Parlement, craignant quelque sanglante vengeance de l’Autrichienne, ordonne au prévôt des marchands d’armer les citoyens et de veiller à la sûreté de la ville. Six mois après (8 janvier 1649), le Parlement, après une longue instruction, déclarait le cardinal Mazarin « fauteur des pernicieux conseils qui égaraient la reine, le déclarait déchu de ses offices, lui enjoignait de quitter la cour immédiatement, le royaume sous huit jours, sous peine d’être mis hors la loi. » — Cet arrêt fut confirmé par les parlements de Bretagne, de Normandie, de Guyenne et de Provence. Le cardinal et la reine, ne tenant compte de l’arrêt, rassemblent des troupes. Le prévôt des marchands met Paris en état de défense contre les attaques de la cour et ajoute aux seize régiments de la garde bourgeoise parisienne quatre mille chevaux et dix mille fantassins. Les deniers royaux sont transportés à l’Hôtel de ville. Une nouvelle guerre civile éclate et désole le pays, guerre provoquée par l’insolente hauteur, par l’iniquité, par les dilapidations d’une reine dissolue et par les détestables conseils d’un

  1. Mémoires de madame de Motteville, t. 1, p. 479.