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heur que je lui devais. En 1651, elle m’a donné un fils ; je l’ai appelé Nominoë. Hélas ! je devais lui survivre… Vous lirez sa triste histoire dans la légende que je vous lègue, fils de Joel.

Avant d’entreprendre ce pénible récit, je vais, selon l’habitude de ceux des nôtres qui, d’âge en âge, ont continué nos annales, je vais brièvement rapporter les événements publics les plus importants accomplis depuis la mort de Henri IV (époque à laquelle finit le récit de mon aïeul) jusqu’au commencement du règne de Louis XIV.


Après le meurtre de Henri IV, son fils Louis XIII, enfant, monta sur le trône, en 1610. Marie de Médicis, mère de ce roitelet et régente, était alors âgée de trente-trois ans ; belle, hautaine, indolente, forcenée catholique et forcenée ribaude, elle avait, entre autres, pour amant Concini, espèce de bravo italien, grand, bien fait, habile à tous les exercices du corps ; il fut modeste durant la vie de Henri IV ; mais à la mort de ce roi, l’insolence du favori devint sans bornes ; les plus grands seigneurs durent compter avec lui. Il s’occupait peu d’ailleurs des affaires d’État, ne songeant qu’à satisfaire à ses prodigalités, grâce aux sommes considérables qu’il tirait de la reine. Ce rufian avait pour femme Éléonore Galigaï. Souple, adroite, rusée, favorisant le commerce adultère de son mari avec Marie de Médicis, elle exerçait sur celle-ci une extrême influence, dont elle usait pour s’enrichir et pousser ses nombreuses créatures aux plus hauts emplois du royaume. Les gouverneurs des provinces, n’étant plus contenus par Henri IV, s’érigèrent en autant de tyranneaux indépendants du pouvoir royal, et rappelèrent par leurs méfaits les horribles temps de la féodalité. Leurs soutenants et complices se composaient des gentilshommes qui suivaient la profession des armes ; enrôlés pour une seule campagne et congédiés à sa fin, ils ne pouvaient vivre qu’en se mettant aux gages des gouverneurs des provinces ; ceux-ci soldaient, vêtissaient, nourrissaient, protégeaient ces clients, à la condition d’un