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mille plébéienne et descendant de Gaëlo, l’un des compagnons de guerre du vieux Rolf, le chef des pirates normands. Le prince Karl a laissé un fils, héritier de sa principauté ; il est resté, comme son père, fidèle à l’Église réformée.

Notre existence s’est écoulée ici paisible et heureuse ; nous cultivons notre champ, il suffit à nos besoins. Mon Stephan, aujourd’hui âgé de dix-sept ans, m’aide dans mes travaux. Il est d’un caractère doux, timide, craintif, quoique né d’une mère aussi virile que l’est la sienne. Il vivra, je l’espère, tranquillement ici, à moins que les discordes civiles, qui déjà menacent la minorité de Louis XIII, ne viennent troubler la Bretagne. Je continuerai (grâce aux renseignements que me fournira mon beau-frère Louis Rennepont) d’inscrire chaque année dans nos annales les faits nouveaux qui seront à ma connaissance ; mais je dois clore ici ce récit de la bible de poche, commencé par mon grand-père Christian l’imprimeur, sous le règne de François Ier, règne funeste qui vit la fondation de la compagnie de Jésus et les premières persécutions contre les réformés, ces persécutions atroces dont Hêna, sœur de mon père et de fra-Hervé-le-Cordelier, fut victime, ainsi que Ernest Rennepont, moine augustin, appelé en religion frère Saint-Ernest-Martyr, brûlé vif, comme Hêna, après avoir rompu ses vœux monastiques, afin de s’unir à elle et d’embrasser la religion nouvelle.

Ce récit, commencé par mon aïeul Christian, a été achevé par moi, Antonicq Lebrenn, en cette année 1610, après le meurtre de Henri IV, qui mit fin aux guerres religieuses de l’autre siècle par la promulgation de l’édit de Nantes, et qui, selon les conseils du grand Sully, voulait opposer la république chrétienne à la tyrannie universelle du pape de Rome, but suprême des fils d’Ignace de Loyola.

De Loyola qu’il vous souvienne, fils de Joel ! si notre famille doit, après ma mort et celle de Stéphan, se perpétuer à travers les âges ! Oui, de Loyola qu’il vous souvienne ! N’oubliez pas ce registre mysté-