Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont ils auraient horreur si ces actes devaient leur profiter ! Le Béarnais, peu satisfait de la réponse de Sully, qui ne concluait à rien, demande à M. le président Jeannin son avis. « — Sire, — répondit le président, — Votre Majesté doit, sans tarder, sans hésiter dépêcher un capitaine de ses gardes du corps après madame la princesse, afin de tâcher de la ramener, ainsi que M. de Condé, et ensuite dépêcher des envoyés chez les souverains des États auxquels madame la princesse serait allée, puis menacer ces souverains de leur faire la guerre, en cas qu’ils ne remissent pas entre les mains desdits envoyés le prince et la princesse. »

Autre exemple de cette fatale servilité forcément imposée à leurs familiers par les rois, habitués de se croire au-dessus des lois éternelles de la morale et de la justice, et faisant partager cette créance à leur entourage : le président Jeannin, négociateur habile, homme de mœurs honnêtes en son particulier, conseille naïvement à son maître de poursuivre jusqu’à l’étranger, dans leur refuge hospitalier, le prince et sa femme, qu’il a voulu soustraire à la lubricité de Henri IV. Le détestable avis du président Jeannin fut d’ailleurs suivi.

« — Le roi dépêcha le lendemain M. de Praslin, tant vers M. le prince que vers l’archiduc d’Autriche. M. de Praslin trouva encore le prince et madame la princesse à Landrecies, avec lesquels n’ayant pu traiter pour leur retour, il passa à Bruxelles, où il vit M. l’archiduc d’Autriche, auquel il déclara les menaces du roi. L’archiduc, animé par les persuasions du marquis Spinola, reçut dans ses États M. le prince et madame la princesse de Condé, et les garda dans le pays, ce qui fit enfin résoudre le roi à exécuter le grand dessein. »

Ce grand dessein était la déclaration de guerre à l’Empire et à l’Espagne, afin de tenter l’établissement de la république chrétienne. Henri IV, impatient d’aller reprendre la princesse de Condé à Bruxelles, lieu de son refuge, rompit toutes les négociations entamées au sujet de la succession de l’électeur de Clèves (pre-