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roweg, qui vouliez, par une union expiatrice avec un fils de Joel, consacrer la réconciliation de nos deux races ! — ajoute Nominoë, continuant d’écrire rapidement. Puis, lisant tout haut ce qu’il écrivait :

« — Oh ! fils de Joel… vous qui un jour lirez ces lignes tracées par moi, Nominoë Lebrenn, en ce moment suprême… au manoir de Mezléan, sous les yeux de Berthe de Plouernel… songez à cet ange de bonté, de concorde… et, en son nom, oubliez, pardonnez le mal que sa famille a fait à la nôtre !… »

— Noble cœur ! — reprend Berthe, les yeux humides de douces larmes et contemplant Nominoë avec une expression d’amour ineffable. — Ah ! vous l’avez dit, et ces paroles sont restées gravées dans ma mémoire. — « La haine est si amère, et le pardon si doux. » — Puisse le ciel exaucer nos vœux dans l’avenir, Nominoë !… Ainsi, vous êtes comme moi, résolu, fermement résolu de quitter cette triste terre pour un autre séjour ?

— Un supplice infamant, auquel la mort seule peut me soustraire, ne m’attendrait pas demain, que mon plus ardent désir serait encore de vous accompagner, Berthe, dans ce mystérieux voyage…

— Mais j’y songe… à qui donc allez-vous transmettre le recueil de vos légendes ? Est-ce au frère de votre père, à Gildas Lebrenn, le métayer de Karnak ?

— Non, nous avons creusé la fosse de Gildas, massacré par les soldats du roi sur le perron du château de Plouernel, ainsi que les autres délégués des vassaux venant demander à leur seigneur d’accepter le code paysan.

— Vos légendes seront-elles léguées au père de votre fiancée, frère de votre mère ?

— Non, Tankerù-le-Forgeron a été arrêté avant-hier dans sa maison, conduit à Vannes, et rompu vif, ainsi que Madok-le-Meunier… Que de tueries ! L’inoffensif Paskou-le-Long, le Baz-valan de mes fiançailles, n’a pas même été épargné… on l’a pendu…