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du pauvre animal… Presque aussitôt celui-ci se couche paisiblement ; ses yeux restent clairs, brillants et gais ; il s’allonge, se joue avec une sorte de béatitude ; mais peu à peu le sommeil semble le gagner ; il s’étend sur le côté, fait encore quelques légers mouvements… puis, immobile, il expire sans le moindre tressaillement de douleur… L’alchimiste avait dit vrai ! J’emporte mon trésor… La certitude de cette mort si facile, si douce, mit le comble à ma sécurité… Enfin, aujourd’hui, mon messager, de retour, m’apprend l’inutilité de ses recherches à votre sujet, Nominoë… La révolte, dont vous étiez l’un des chefs, a provoqué d’épouvantables représailles. La Bretagne nage dans le sang… Je me décide à quitter, avant demain, cette terre homicide… je donne mes dernières instructions à mes vieux serviteurs, sous prétexte d’un long voyage ; je joins mon testament à cette cassette, et…

Mademoiselle de Plouernel s’interrompt, remarquant seulement alors que Nominoë, assis dans une attitude attentive et recueillie, le front appuyé sur l’une de ses mains, écrivait de l’autre, mouvement jusque-là dérobé aux yeux de Berthe, par l’interposition de la cassette placée sur la table.

— Nominoë ! — dit mademoiselle de Plouernel, — je vous croyais attentif à mes paroles… Qu’écrivez-vous donc là ?

— Vos paroles, Berthe.

— Pourquoi les écrire ?

— Pour les joindre à ceci… — Et Nominoë montre une enveloppe déposée par lui sur la table.

— Que contient cette enveloppe, Nominoë ?

— Le récit de notre amour, dont nous avons tous deux à nous enorgueillir !

— Ce récit, à qui le destinez-vous ?

— Il augmentera notre légende ! Ah ! jamais pages plus nobles, plus touchantes, n’auront été léguées à notre descendance !… Elles lui diront votre grande et généreuse pensée… à vous, fille des Ne-