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vous, de la façon de demander les choses, — ajoute Berthe avec un accent de gracieuse coquetterie. — Donc, attendez-moi, Nominoë, je vais éloigner ce fâcheux ; je reviens dans un instant…

— Et si cet officier persiste à vouloir entrer ici de force ?

— Bon Dieu ! mon ami, que voilà un doute outrageant pour la belle galanterie de ce gentilhomme ! Mais enfin j’admets que cet officier…

— Mademoiselle, il y a un moyen de fuite assuré, — dit soudain Marion, interrompant sa maîtresse. — Le passage qui conduit du clos au verger est pratiqué sous la route qui longe les murailles du jardin, et une fois dans le verger l’on peut gagner les champs et la mer…

— Mademoiselle, — dit le vieil écuyer, accourant à son tour effaré, — les soldats attaquent la porte à coups de crosse de fusil…

— Vous le voyez, — dit Nominoë à mademoiselle de Plouernel, — ces gens vont employer la violence !

— La porte est épaisse ; les murailles du clos sont très-hautes et, Marion l’a dit, le passage du verger nous reste, — reprend Berthe avec un calme parfait, et elle ajoute presque gaiement : — Si, contre mon attente, après m’avoir entendue… je ne voudrais pas dire, après m’avoir vue… seulement il est vrai à travers la fenêtre grillée du concierge, ce gentilhomme s’opiniâtre dans ses façons sauvages, je reviens à l’instant, et, grâce à la solidité de la porte et à la hauteur des murailles du manoir, nous aurons le temps d’accomplir notre résolution, Nominoë ; car j’ai compris votre pensée, et ainsi qu’à vous, ami… l’avenir me semble éblouissant !…

Mademoiselle de Plouernel, en prononçant ces dernières paroles, jette à Nominoë un regard qui l’enivre ; elle sort suivie de Marion et du vieil écuyer.

Nominoë, resté seul, s’écrie avec transport :

— Elle a compris ma pensée ! L’avenir, ainsi qu’à moi, lui semble éblouissant ! Ah ! béni soit Dieu qui m’a ramené à Mezléan ! Les moments sont comptés ! je dois me hâter d’accomplir les volontés