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lèvres ; les pleurs inondent son visage. Puis, l’esprit frappé d’une pensée soudaine, il se lève et semble transfiguré ; ses beaux traits deviennent, comme ceux de Berthe, d’une radieuse sérénité ; il redresse le front ; ses larmes sont taries ; un sourire d’une céleste douceur erre sur ses lèvres ; il se recueille un moment, et dit à mademoiselle de Plouernel qui se rapproche de lui :

— Berthe, l’avenir qui m’apparaît m’éblouit autant que votre beauté ; mais deux mots du passé… la révolte…

— … A été, malgré vos efforts, désarmée par les mensongères promesses du gouverneur de Bretagne… À cette heure, la révolte est noyée dans le sang… je sais tout…

— Serdan est mort… et mon père ! mon père…

— Achevez…

— Mon père aussi est allé revivre ailleurs… mais, hélas ! je n’ai pu lui faire mes adieux suprêmes et clore ses paupières…

— De grâce, dites-moi, Nominoë, quand ce malheur vous est-il arrivé ?

— À Nantes. Nous y séjournions depuis peu avec Serdan ; nous espérions, grâce à l’énergie de la population de cette ville, suppléer à la fatale défection des paysans ; mais les perfides promesses de M. de Chaulnes avaient aussi fait des dupes à Nantes. De là, une funeste division entre ceux des habitants qui, persuadés de la sincérité du gouverneur de Bretagne et considérant dès lors la lutte comme terminée, avaient déposé les armes, et ceux-là qui, plus défiants et mieux avisés, voulaient rester en armes. Au milieu de ces discords, Nantes fut brusquement envahie et occupée par des forces considérables. Tenter de résister eût été folie. Les exécutions commencèrent. Mon père, Serdan et moi étions signalés parmi les chefs de la sédition…

— Et votre tête mise à prix, je le sais… Mais comment avez-vous pu échapper aux poursuites ?

— Dès que les troupes du roi eurent occupé Nantes, ses portes