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— La voici, mademoiselle, — répond le vieillard. Et prenant une lettre dans son portefeuille, il la remet à sa maîtresse ; celle-ci dépose le pli près d’elle sur une table et continue ainsi :

— Il vous a donc été impossible de rejoindre M. Nominoë Lebrenn ?

— Impossible, mademoiselle !… En quittant Mezléan, j’ai appris dans les environs de Plouernel que la troupe des paysans révoltés, en marche pour Rennes, et grossie du contingent des paroisses à mesure qu’elle avançait, avait eu bientôt atteint le nombre d’environ vingt mille hommes plus ou moins bien armés.

— Autant que cela ?

— Oui, mademoiselle ; une véritable armée : MM. Lebrenn et M. Serdan l’avaient à peu près disciplinée ; cependant, malgré leurs efforts, quelques désordres eurent lieu dans des châteaux et dans des cures. La troupe de paysans marchait toujours sur Rennes. J’espérais la rejoindre à Guémené ; mais là, j’appris que des envoyés de M. le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, étant venus dans cette ville au-devant des révoltés, leur avaient annoncé que les nouvelles taxes royales étaient abolies ; que le parlement de Bretagne devait s’assembler à Vannes et enregistrer le code paysan. Les vassaux seraient ainsi exonérés des nouvelles taxes royales, et désormais sauvegardés contre les exactions, les mauvais traitements de leurs seigneurs et de leurs curés.

— Ce résultat est inespéré ! Cependant, vous me disiez tout à l’heure, Du Buisson, que vous apportiez de fâcheuses nouvelles ?

— Permettez, mademoiselle, que j’achève… Les promesses des émissaires de M. le duc de Chaulnes causèrent aux paysans une joie inexprimable ; ils s’écrièrent qu’ayant obtenu ce qu’ils voulaient, la guerre était finie, et qu’ils allaient s’en retourner dans leurs paroisses… MM. Lebrenn et Serdan, loin de partager la confiance des vassaux, les conjurèrent de ne pas se séparer, de ne pas déposer les armes, les assurant qu’on les trompait, qu’on espérait, par de menson-