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neaux… — et elle a porté à ses lèvres l’anneau qu’elle avait au doigt ; — j’étais sa femme, et me voici, de son vivant, sa veuve… Il m’avait épousée par bonté d’âme, mais le Seigneur Dieu ne voulait pas ce mariage… Que sa volonté s’accomplisse ! Que Nominoë soit heureux !… Il faut, bon père, lui pardonner, comme je lui pardonne, le chagrin que, malgré lui, il nous cause… Ce n’est pas sa faute… s’il avait pu m’aimer d’amour, il m’aurait aimée… Pardon pour lui… c’est la dernière prière de Tina votre fille !… Elle vous demande aussi d’être mise en terre avec sa robe de noces, son anneau et son ruban de fiançailles… Bon père, adieu ! grand’mère, adieu !… Laissez encore vos mains dans les miennes… je… »

Tankerù ne peut achever ; sa voix, de plus en plus altérée, se brise, les sanglots le suffoquent, et dans l’attendrissement de la douleur, oubliant un moment la rage vengeresse dont il est transporté, il a répété lui-même les suprêmes paroles de Tina : ce pardon qu’à son heure dernière elle demandait pour Nominoë ! Celui-ci, accablé par ce récit poignant, l’a écouté dans un morne silence ; ses yeux sont noyés de pleurs. Si profonds sont ses regrets, si sincères sont ses remords, qu’il ne songe plus à ses angoisses au sujet de mademoiselle de Plouernel… Mais soudain les larmes de Tankerù se tarissent, son attendrissement cesse avec elles ; seul, son désespoir lui reste ; sa fureur renaît, il ramasse son marteau, tombé à ses pieds, le brandit et s’élance vers Nominoë en criant :

— Je t’ai dit les souffrances, l’agonie de ta victime… maintenant, meurs, assassin !…

Le pesant marteau du forgeron se lève pour s’abattre sur le front de Nominoë ; il évite l’atteinte, jette ses bras autour du cou de Tankerù, l’embrasse avec effusion et lui dit d’une voix entrecoupée par les larmes :

— Je ne crains pas la mort ! non ! mais elle vous pèserait un jour ! vous chérissiez tant ma mère !… Tina m’a pardonné… vous a demandé ma grâce !… Vous voyez mes larmes, mes remords… vous